C’est en tout cas ce qui ressort des dernières déclarations de l’administration au sujet de la lutte contre les fake news. « H.R. 1 », mieux connu sous le nom de For the People Act, a été salué par de nombreux experts amis des Démocrates. Le premier projet de loi proposé par la Chambre démocratique élargirait les droits de vote, entre autres, en encourageant l’inscription le jour même, en obligeant les présidents et les vice-présidents à divulguer leurs déclarations de revenus et en interdisant aux membres du Congrès de siéger aux conseils d’administration des entreprises. Il est peu probable que la mesure ne devienne une loi.

Les subtilités du langage juridique

Ce projet de loi, parrainée par les Démocrates, comprend une section appelée « Stratégie nationale pour protéger les institutions démocratiques ». La section demande au président de travailler avec les secrétaires de la Défense, de l’État et de l’Éducation, ainsi qu’avec le directeur du renseignement national, le président de la Commission électorale fédérale et les chefs de tout autre organisme fédéral compétent pour élaborer une « stratégie nationale » contre les « cyberattaques, opérations d’influence, campagnes de désinformation » et autres opérations qui pourraient « compromettre la sécurité et l’intégrité des institutions démocratiques des États-Unis ». Il n’y a rien d’étrange à ce que le président travaille avec les agences de sécurité pour mettre au point un plan visant à prévenir les cyberattaques et autres incursions étrangères. Mais cette disposition décrit aussi spécifiquement une stratégie de lutte contre les acteurs nationaux, et le texte est formulé dans un langage qui soulève des questions quant à sa véritable finalité.

Le président est tenu de tenir compte de la « menace d’un acteur d’un État étranger, d’une organisation terroriste étrangère ou d’un acteur national qui mène une cyberattaque, une opération d’influence, une campagne de désinformation ou toute autre activité visant à porter atteinte à la sécurité et à l’intégrité des États-Unis ». La stratégie consisterait à prévenir les « conséquences potentielles, telles qu’une érosion de la confiance du public ou une atteinte à l’État de droit » qui pourraient résulter de telles opérations. Ce qui est logique à la lumière des dernières élections (et d’autres incursions cybernétiques signalées), mais la nature potentiellement secrète du programme est troublante. Le projet de loi stipule que tout cela sera fait en conjonction avec un échéancier qui comprendra des paramètres, des coûts et des objectifs, et ce, « sous une forme non classifiée ». Mais le projet de loi poursuit en disant qu’il y a « peut-être une annexe classifiée ». Qu’est-ce que cela veut dire ?

La question des annexes classifiées

Les annexes classifiées sont une innovation législative qui a vu le jour après les enquêtes menées par le Congrès il y a une cinquantaine d’années sur les assassinats d’étrangers et autres comportements non réglementés des services de renseignement. Les annexes classifiées autorisent essentiellement des budgets secrets distincts pour le personnel, les coûts et même les directives. Bien que courante, une telle disposition sur un projet de loin potentiellement hostile à la liberté d’expression est angoissante. Pour résumer : un projet de loi qui vise ostensiblement à promouvoir la démocratie exigerait la création d’une nouvelle directive, potentiellement classifiée, du pouvoir exécutif visant la « désinformation » et l’ « influence » tant à l’étranger qu’à l’intérieur du pays. Le président, le ministère de la Défense et les agences de sécurité auraient pour mandat de lutter contre un large éventail d’activités jugées comme entraînant une « érosion de la confiance du public » et/ou une menace pour la « démocratie ».

La question que soulève cette petite pépite législative est la même que celle qui plane en marge du débat sur la sécurité nationale : la possibilité de transformer les craintes légitimes au sujet des cyberattaques étrangères en une intervention plus directe du gouvernement dans le discours intérieur. Bien que des organismes comme le FBI disposent d’un vaste pouvoir d’enquête, les services de renseignement se voient traditionnellement interdire d’espionner les Américains, ce qui soulève des questions sur le rôle qu’ils pourraient jouer ici. Comment définirions-nous une activité qui « érode la confiance du public » ? Qu’est-ce qui constituerait une « campagne d’influence » nationale ? Quelles mesures de représailles seraient permises ?